Trilogie du Ténébreux (3)

Verset 3, Vents du Nord


Shalin’nar et le Ténébreux arrivèrent à Cabestan deux jours après leur départ ; le port était calme, le temps beau, et les deux Elfes étaient heureux. Ils allèrent en direction du quartier général, puis une fois à l’intérieur se dirigèrent vers le bureau de Seou. Celui-ci était assis derrière son bureau lorsqu’ils entrèrent dans la pièce, il les salua en esquissant un léger sourire.

-Eh bien, dit-il, je suis content de vous voir. Quelques travaux administratifs vous attendent, ainsi qu'un ou deux rendez-vous.
-On est à tes ordres, répond le Ténébreux.
-Bien, dit Seou. Je vous explique un peu le boulot : Ténébreux je veux que tu t’occupes d’un rendez-vous ; il s’agit d’une lourde affaire, grosse affaire. Un commanditaire veut acheter cinquante fusils de type gnome, ainsi que plusieurs caisse de matériel. Shalin’nar, on a besoin de ton aide aux archives de l’organisation.
-C’est entendu, répondent les deux Elfes.


Puis cette entrevue finie, ils sortirent du bureau. Le Ténébreux déposa un baiser à Shalin’nar avant de se rendre dans la salle où les négociations l’attendaient. Il arriva devant la porte de la salle, fit un signe à un des vigiles qui gardait la porte et entra. A l’intérieur de la salle, autour de la grande table était assis un gnome. Un homme ainsi qu’une femme au regard sombre accompagnaient le gnome, ils étaient debout en retrait. En face étaient assis un homme de l’organisation, et un peu en retrait trois gardes. Le Ténébreux s’assit doucement sur une des chaises, puis salua d’un mouvement de tête le gnome.


-Bien, parlons affaires, dit-il.
-En effet, répond le gnome d’une voix aiguë.


Le Ténébreux observait bien le visage du gnome. Il lui semblait l’avoir déjà vu quelque part avant, sa mémoire et ses yeux ne le trompaient rarement. Cependant il ne parvenait pas à se rappeler où il avait vu ce visage.


-Je crois que vous avez eu la liste de notre « commande », poursuit le gnome.
-En effet, répond le Ténébreux. Nous aurons tout réuni pour dans deux jours, ajoute t-il.
-Bien, bien, couine le gnome. Je suppose que vous voulez parler du prix maintenant, susurre t-il.
-En effet, notre devis se situe à un million de pièces d’or, payables lors de la livraison, dit l’Elfe. Cependant il nous faudrait un acompte d’un minimum cent mille pièces d’or, ajoute t-il.
-Un million, murmure le gnome, c’est une forte somme.
-A la hauteur de votre petite commande, répond le Ténébreux avec une pointe d’ironie.
-Certes, admet le gnome, certes. Bien, cent mille pièces d’or maintenant, et je vous promets un million et demi lors de la livraison, si vous emballez le tout dans de caisses étanches, dit-il.
-Bien, affaire conclue pour notre côté, dit l’Elfe.
-Affaire conclue, répète le gnome, avec un petit sourire.


L’homme derrière le gnome déposa une lourde bourse sur la table, le Ténébreux la ramassa puis la tendit à un des hommes de l’organisation. Au moment de partir, le gnome jeta un dernier coup d’œil, avec ce même sourire malsain. Le Ténébreux reconnut alors le visage, il l’avait déjà vu auparavant. Ce visage ressemblait à celui de l’amiral, cet Alplis. Donc ce gnome serait un de ses parents ? Son fils peut être ? Toute cette histoire parut suspecte au Ténébreux, il décida de creuser cela lorsqu’il en aurait le temps.
Il sortit à son tour et alla faire un tour sur le ponton du port, tout en réfléchissant à son passé, au présent et au futur, de Shalin’nar, de lui et de leur enfant. Il se souvenait du regard d’une certaine prêtresse qu’il avait vu des années auparavant ; il sentait à présent avoir fait le bon choix dans son chemin de la vie : il avait une compagne, aurait bientôt un enfant, se retirerait des affaires afin de mener une vie paisible, en famille, lui qui n’avait jamais connu sa famille…

Les deux jours passèrent ; Shalin’nar et quatre autres membres de l’organisation furent chargé de la livraison pour le gnome. Le Ténébreux était en pleine discussion avec Seou lorsqu’un homme de l’organisation entra en trombe dans le bureau.


-Chef ! Ténébreux ! crie t-il essoufflé. On a un gros problème, la livraison, vous devriez venir… on s’est fait doublé, ajoute t-il.
-Allons-y, dit Seou, un soupçon de crainte dans la voix.


Ils s’élancèrent les trois ; en courant le Ténébreux jura pour lui-même. Que s’était-il passé ? Quel était le problème ?? Il songea à Shalin’nar qui était présente lors de la livraison, il redoubla le pas. Ils arrivèrent vers l’entrepôt où devait avoir lieu la livraison ; le Ténébreux vit deux corps sur le sol à l’extérieur, cela ne présageait rien de bon. Ils entrèrent dans l’entrepôt et virent alors la sinistre scène qui s’offrait à leurs yeux. Deux autres cadavres se trouvaient aux pieds d’une table ; un autre corps fut retrouvé, décapité dans des caisses, et une silhouette gisait, inanimée aux pieds d’un tonneau. C’était Shalin’nar : le Ténébreux se précipita à ses pieds.


-Shalin’nar ! Shalin’nar ! s’exclame t-il. Non !! Ce n’est pas possible, sanglote t-il.


Une flaque de sang était présente, elle avait été frappée à plusieurs reprises par une épée. Le Ténébreux prit le corps sans vie de sa bien-aimée puis le serra contre son cœur, et appuya sa tête contre l’épaule. Il commença à verser des larmes qu’il ne pouvait plus contenir.


-Sortez les autres corps, vite, et laissons-le, murmure Seou aux autres gardes.


Plusieurs heures passèrent avant que le Ténébreux ne ressortit de l’entrepôt ; cela lui avait semblé être des années. Il portait le corps de sa défunte entre les bras. Seou se rapprocha de lui.


-Je suis désolé, sincèrement, dit-il.


Le Ténébreux hocha la tête, parler lui faisait encore trop mal.


-Ils sont partis vers le Nord ses salopards, j’ai mis nos magiciens sur le coup. On les trouvera, on les chopera, lui dit Seou.
-Je dois rendre un dernier adieu à Shalin’nar, dit enfin le Ténébreux, et je m’occuperais personnellement de cette ordure, ajoute t-il plus bas.


Le chemin pénible pour leur demeure fût abrégé grâce à un des magiciens qui le téléporta près de l’auberge. Le Ténébreux lui fit signe d’attendre plus loin, tandis qu’il s’activait à la sinistre besogne. Il creusa à l’aide d’une branche d’arbre et de ses mains un trou à l’arrière de maison ; une fois le trou assez grand il y déposa le corps de Shalin’nar, et embrassa une dernière fois son front. Recouvrir la tombe fût la chose la plus pénible pour lui ; il y parvint, par la force de sa volonté mais surtout par désir de vengeance. Il se releva, planta une dague qui avait appartenue à sa bien-aimée sur la tombe, puis alla rejoindre la magicien qui l’avait attendu.

-Je suis prêt, dit le Ténébreux d’une voix rauque.


Le magicien hocha la tête puis tout deux se téléportèrent à Cabestan.


Après avoir réuni les meilleurs chasseurs Elfes de l’organisation, le Ténébreux embarqua sur un navire léger. Un mage les accompagnait afin de leur transmettre les informations au fur et à mesure.
Le voyage se passa sans imprévus, et le bateau atteignit les côtes du Nord environ une semaine après leur départ. Suivant les informations, ils accostèrent sur la côte ouest d’une région appelée les Fjords Hurlants ; cet endroit paraissait être l’endroit le plus stratégique pour le Ténébreux. Il sentait les vents qui amenaient le navire jusqu'à la côte ; ces vents l'enivrait, lui rappelait des souvenirs...
Une fois débarqué, il envoya quatre chasseurs en reconnaissance pendant que les autres installaient une tente sur la plage.
Deux heures plus tard, les quatre chasseurs revinrent de leur mission de reconnaissance. Le Ténébreux et le mage étaient dans la tente, un silence pesant régnait. Un des chasseurs leur rapporta qu’il avait découvert un fort abandonné à quelques lieux de là.
Le Ténébreux prit avec lui dix chasseurs, pendant que le reste de la troupe restait près du navire, et partit en direction de l’endroit indiqué. Ils y arrivèrent une vingtaine de minutes plus tard ; le fort avait en effet l’air abandonné, cependant il observa que plusieurs vautours tournoyaient autour d’un des bâtiments.


-L’odeur de la mort, dit-il pour lui-même.


Il laissa quatre chasseurs à l’extérieur puis pénétra dans ledit bâtiment avec les six autres. Ils gravirent les marches et arrivèrent dans une grande salle, pour découvrir un spectacle abominable. Des morceaux de chair humaine était éparpillée un peu partout dans la salle, et recouvrait certaines parties du mur ; une tête, coupée, gisait non loin d’une chaise. Traversant les restes du cadavre, le Ténébreux se pencha et regarda la tête, qui était étrangement intacte. Il reconnu sans peine le visage d’Alplis. Donc les deux gnomes avaient en effet un lien de parenté étroit…
Se retenant de défaillir, il sortit avec les autres Elfes. Une fois à l’extérieur ses pensées se mêlaient, il s’assit par terre. Il revoyait le visage d’Alplis, puis celui, fou, de son fils. Il revoyait le visage de la prêtresse et entendait ses paroles. Il revoyait Shalin’nar, les moments qu’ils avaient passé ensemble, leur première fois ; il la sentait si proche, mais à la fois si lointaine. Plusieurs minutes passèrent ainsi, le laissant dans ses plus profondes pensées et réflexions. Puis il se releva ; il avait pris une décision : il poursuivrait ce satané gnome, le tuerait de ses mains, pour venger son père, pour venger sa compagne et leur enfant, pour achever son chemin.
Il fit signe aux chasseurs de se préparer pour la traque. Les Elfes s’élancèrent hors du fort ; le vent avait commencé à se lever, la traque serait plus facile.
Ils repérèrent le camp ennemi quelques heures plus tard : il était situé dans une caverne à l’intérieur d’un fjord. Quatre tentes étaient plantées et les Elfes purent compter une cinquantaine d’hommes, tous en armes. Cependant pas la moindre trace du gnome. Le Ténébreux s’adressa à ses compagnons.


-Dispersez-vous, je tirerai le premier, je ne veux pas de survivants, murmure t-il.


Les autres Elfes acquiescèrent et se dispersèrent le long de la falaise ; trois d’entre eux descendirent doucement et se positionnèrent près de l’entrée de la caverne.
Le Ténébreux banda lentement son arc, visa un des hommes en contre bas puis lâcha la corde : la flèche alla se ficher dans la tête du marin. Alors une pluie de flèches mortelles accompagna le premier trait ; les hommes n’avaient aucune chance. En cinq minutes tout fût fini ; trois Elfes entrèrent dans la caverne à la recherche d’éventuels survivants au déluge de flèches. Ils en trouvèrent aucun.

Le Ténébreux continua à longer la falaise, puis il aperçut au loin trois silhouettes. Il se rapprocha doucement et distingua une femme et homme, les mêmes qu’à Cabestan, et surtout le gnome. Il avait du mal à contenir sa colère, sa rage contre cette créature. Il sortit quatre flèches de son carquois. Son premier tir fût vif, la femme fût transpercée au cou, l’homme subit le même sort. Le gnome s’était alors retourné, une dague à la main ; mais ce fût trop tard pour lui, une flèche lui transperça la main tandis qu’une autre le clouait un pied au sol. Le Ténébreux se rapprocha alors de lui, ses deux rapières dégainées, il pouvait à présent lire la peur qui s’étalait sur le visage du gnome. Il avança encore et s’arrêta juste devant le scélérat.


-P…pitié… couine le gnome.


D’un regard froid il planta une de ses rapières dans le thorax du gnome.


-Ca, c’est pour ton père, dit le Ténébreux.


Avec l’autre rapière il décapita le gnome d’un coup sec, puis coupa net la jambe immobilisée par la flèche et enfin donna un dernier coup de rapière pour faire tomber le corps en bas de la falaise. Le cadavre, emporté par les vents tel un fétu de paille, alla s’éclater en milles morceaux contres les rochers en contre bas.


-Ca, c’est pour Shalin’nar, murmure le Ténébreux, une larme perlant sur sa joue.


Sa vengeance était accomplie, cependant le Ténébreux ne se sentait pas serein ; il n’avait plus de vie, il n’aurait plus jamais de vie. Celle qu’il aimait n’était plus. Il doutait même qu’il puisse encore avoir une âme, une conscience.
Ses compagnons arrivèrent, sans un mot, puis l’entrainèrent doucement vers leur navire. Le Ténébreux ne se rappela pas le voyage de retour, il voulait oublier.
Arrivé à Cabestan, il prit la direction d’Orneval, sans qu’aucune parole ne soit dite. Durant le pénible chemin il revoyait sans cesse le visage de Shalin'nar, il devait, pour respecter sa mémoire, tenter d'oublier. Il y arriverait sans doute, mais elle aurait toujours la place au plus près de son coeur.
Il arriva devant l'auberge, il était chez lui...


Bon eh bien c'était mon histoire. Sans suites. Surement d'autre histoires par contre!

Texte d'Alpis et un bien joué pour son texte formidable /clap